Loi de finances rectificative pour 2021 : reconduction de la prime PEPA

Partagez

La loi de finances rectificative pour 2021, parue au JO du 20 juillet 2021, reconduit une nouvelle fois la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dénommée prime Macron ou PEPA), pour récompenser notamment les salariés les plus fortement mobilisés durant la crise sanitaire (travailleurs de 2e ligne).

Adoptée pour la première fois en urgence à la fin de l’année 2018 en réponse au mouvement des « Gilets jaunes », la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat a pour objet, comme son nom l’indique, de soutenir le pouvoir d’achat des salariés. Cette prime est exonérée de cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle (CSG/CRDS, participation patronale à l’effort de construction et contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance comprises) et n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu.

Le dispositif a été renouvelé, une première fois, en 2020 mais sous une forme aménagée pour encourager la diffusion des accords d’intéressement. Courant 2020, dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 et de l’état d’urgence sanitaire, les conditions de son versement, jugées trop rigides et peu adaptées à la crise, ont été assouplies par ordonnance et sa durée de versement prolongée jusqu’au 31 décembre 2020.

Le dispositif est, une nouvelle fois, réactivé en 2021 avec cette fois-ci, en filigrane, l’idée d’inciter les entreprises à valoriser les métiers des salariés les plus fortement mobilisés durant la crise. Comme les années précédentes, le versement de la PEPA 2021 est purement facultatif.

Attribution de la prime Macron : employeurs éligibles, bénéficiaires et période de versement

Employeurs concernés

Les employeurs éligibles au dispositif demeurent les mêmes que ceux éligibles à la PEPA 2020. Il s’agit (C. trav., art. 3311-1) :

– des employeurs de droit privé (associations et fondations comprises) ;
– des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ;
– des établissements publics administratifs (EPA) ;
– des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) pour leurs travailleurs handicapés.

Bénéficiaires

Ouvrent droit au bénéfice de la PEPA 2021 (LFR 2021, art. 4, I et II, 1°) :

– les salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime, du dépôt de l’accord ou de la signature de la décision unilatérale de l’employeur (DUE) actant le versement de cette prime ;
– les agents publics relevant de l’établissement (EPA ou EPIC) à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE ;
– les intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime, du dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE) attribuant la prime à ses salariés : dans ce cas, l’entreprise utilisatrice doit en informer l’ETT dont relèvent les intérimaires et c’est cette dernière qui la leur verse dans les conditions et selon les modalités fixées par l’accord conclu ou la DUE signée par l’entreprise utilisatrice  ;
– les travailleurs handicapés bénéficiaires d’un contrat de soutien et d’aide à l’emploi à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE et relevant des ESAT.

Période de versement : du 1er juin 2021 au 31 mars 2022

Pour pouvoir prétendre aux exonérations sociales et fiscales y étant attachées, l’employeur doit verser la prime entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022 (LFR 2021, art. 4, II, 3°).

La loi confère donc au dispositif une portée rétroactive.

Remarque : cette période de versement a certainement été choisie par le législateur pour permettre aux entreprises qui n’ont pas eu recours à ce dispositif en 2020, faute de visibilité sur leurs perspectives économiques et sur leur reprise, de verser cette prime à leurs salariés, soutenant ainsi en parallèle leur pouvoir d’achat durant la phase de relance économique.

Conditions impératives au bénéfice des exonérations

Non-substitution à un élément de salaire

L’interdiction de substituer la prime à un élément de rémunération du salarié demeure (LFR 2021, art. 4, II, 4°). Ainsi, la prime ne peut se substituer à :

– aucun élément de salaire versé par l’employeur ou devenant obligatoire en vertu des règles légales, contractuelles ou d’usage ;
– des augmentations de salaire et des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l’entreprise ou l’établissement public.

Remarque : la prime ne peut évidemment pas se substituer ou venir en diminution des primes habituelles telles que les primes de 13e mois, de congés ou de vacances, de Noël ou toute autre prime versée obligatoirement ou habituellement par l’employeur. Elle ne devrait pas non plus se substituer ou venir en diminution des primes de résultat de l’entreprise ou des primes de performance liées à l’évolution de l’activité de l’entreprise ou de certains des salariés. Verser la PEPA sous forme de supplément d’intéressement devrait également être proscrit car contraire à ce principe de non-substitution.

Plafond de rémunération fixé à 3 Smic annuels

Pour ouvrir droit aux exonérations, la rémunération perçue par le salarié au cours des 12 derniers mois précédant le versement de la prime doit être inférieur à 3 fois la valeur annuelle du Smic (LFR 2021, art. 4, V, al. 1er).

Remarque : ce plafond devrait s’apprécier par employeur s’agissant de l’exonération sociale mais par salarié bénéficiaire s’agissant de l’exonération fiscale. En outre, quelle que soit la date retenue pour l’éligibilité des bénéficiaires (date de versement, date de dépôt de l’accord ou date de signature de la DUE), le plafond de rémunération devrait être apprécié à la date de versement de la prime.

La rémunération à retenir est celle correspondant à l’assiette des cotisations de sécurité sociale définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (en toute logique, les indemnités de fin de contrat de travail ou de fin de mission devraient être incluses).

Comme en 2020, la limite de 3 Smic devrait être calculée selon les mêmes modalités que celles retenues pour la réduction des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie qui se réfèrent aux règles applicables pour la réduction Fillon. L’administration le confirmera dans une instruction à venir.

Remarque : cette règle est source de complexité en paie puisque retenir les 12 derniers mois précédant le versement de la prime obligera l’employeur à reconstituer un Smic annuel en additionnant, selon la date de versement de la prime, Smic mensuels 2020, Smic mensuels 2021, voire Smic mensuels 2022. Mais elle est le corollaire de la condition relative au lien à un contrat de travail à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE, règle qui permet aux salariés embauchés courant 2021 de bénéficier de la prime s’ils sont présents au jour de son versement ou au jour de la décision d’octroi de cette prime (marquée par la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE).

Montants limites d’exonération : 1 000 euros ou 2 000 euros sous conditions

Le montant de la prime Macron 2021 ne doit pas excéder 1 000 euros par salarié (LFR 2021, art. 4, V). Ce montant limite peut toutefois être porté à 2 000 euros dans les cas suivants :

– l’employeur occupe moins de 50 salariés (LFR 2021, art. 4, VII) ;
– l’employeur est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général et, à ce titre, habilitée à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt (CGI, art. 200, 1, a et b et 238 bis, 1, a et b) (LFR 2021, art. 4, VII) ;
– l’employeur met en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou a conclu, avant cette date, un accord d’intéressement prenant effet avant le 31 mars 2022 (LFR 2021, art. 4, VI, 1°) ;
– l’employeur est engagé dans une démarche de valorisation des « travailleurs de 2e ligne » (LFR 2021, art. 4, VI, 2°) (voir ci-après).

Remarque : quid des ESAT ? Pourront-ils bénéficier, comme en 2020, de cette limite d’exonération sans autre condition ? L’instruction interministérielle à venir devrait nous éclairer sur ce point.

Précisions sur la démarche de valorisation des « travailleurs de 2e ligne » 

Les « travailleurs de 2e ligne » sont les salariés « qui, en raison de la nature de leurs tâches, ont contribué directement à la continuité de l’activité économique et au maintien de la cohésion sociale et dont l’activité s’est exercée, en 2020 ou en 2021, uniquement et majoritairement sur site pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire » (LFR 2021, art. 4, VI, 2°). Il s’agit donc des salariés ayant continué à travailler sur site durant les différentes phases de la crise sanitaire et  ayant, de ce fait, été plus exposés au risque de contamination (et dont le niveau de rémunération se situe souvent parmi les plus bas de l’entreprise). Les télétravailleurs sont exclus de cette définition.

Remarque : déjà en 2020, le législateur avait souhaité privilégier cette catégorie de salariés en autorisant la modulation de la PEPA en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui, il va plus loin.

Pour bénéficier de la limite d’exonération de 2 000 €, l’employeur doit s’engager à valoriser ces métiers sur au moins 2 des 5 thèmes suivants :

– la rémunération (le salaire de base mais aussi tous les autres avantages en nature et en espèces) et la classification, notamment au regard de l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : par exemple, l’employeur peut s’engager à des augmentations de salaire ou à réévaluer des primes ;
– la nature du contrat de travail : par exemple, l’employeur peut s’engager à limiter le recours aux CDD ou à ne recourir qu’aux CDI ;
– la santé et la sécurité au travail : par exemple, l’employeur peut s’engager à améliorer l’accès aux équipements de protection collective ou individuelle ;
– la durée du travail et l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale : par exemple, l’employeur peut s’engager à réduire le recours au temps partiel ou à limiter le recours aux horaires décalés ou fractionnés ;
– la formation et l’évolution professionnelles : par exemple, l’employeur peut s’engager à proposer aux salariés des formations leur permettant de changer de métiers ou d’évoluer dans leur emploi, de faire reconnaître ou d’acquérir certaines compétences (ex. : compétences relationnelles) jusque-là ignorées.

Remarque : d’après une étude de la Dares de publiée en mai 2021, en France, hors professions médicales, ce sont 4,6 millions de salariés du secteur privé, appartenant à 17 professions, qui ont continué à apporter à la population les services indispensables à la vie quotidienne. Ces travailleurs sont deux fois plus souvent en contrats courts que l’ensemble des salariés du privé, perçoivent des salaires inférieurs de 30 % environ, ont de faibles durées de travail hebdomadaires, connaissent plus souvent le chômage et ont peu d’opportunités de carrière. Ils travaillent dans des conditions difficiles, sont exposés fréquemment à des risques professionnels et ont deux fois plus de risque d’accident. Pourtant, ils ne montrent guère plus d’insatisfaction que les autres salariés du privé et possèdent un fort sentiment d’utilité de leur travail (même avant la crise sanitaire).

Il dispose de trois moyens pour le faire :

– il est couvert par un accord de branche ou d’entreprise prévoyant des mesures de revalorisation des métiers de 2e ligne sur au moins deux des cinq thèmes précités (LFR 2021, art. 4, VI, 2°) ;
– il a engagé des négociations d’entreprise en ce sens ou relève d’une branche ayant engagé de telles négociations (LFR 2021, art. 4, VI, 4°) : les organisations professionnelles d’employeurs participant aux négociations de branche doivent informer, par tout moyen, les entreprises relevant de la branche que des négociations ont été engagées ;
– il est couvert par un accord de branche ou d’entreprise dans lequel les parties s’engagent à ouvrir des négociations sur la valorisation des métiers de 2e ligne sur au moins deux des cinq thèmes précités (accord de méthode) (LFR 2021, art. 4, VI, 3°) : cet accord de méthode doit fixer le calendrier les modalités de suivi des négociations, lesquelles doivent s’ouvrir dans un délai maximal de 2 mois à compter de la signature de l’accord.

Remarque : dans les deux derniers cas, les partenaires sociaux ne sont pas tenus d’aboutir à un accord, ils doivent seulement négocier loyalement sur la valorisation des métiers de 2e ligne. Les pouvoirs publics ont identifié 15 branches devant travailler à la revalorisation de ces métiers. Certaines sont d’ores et déjà bien avancées sur cette problématique comme le secteur de la sécurité qui s’engage à revaloriser ses grilles salariales jusqu’à 10 % de la masse salariale ou bien encore le secteur de la propreté qui souhaite offrir des contrats de travail moins morcelés.

Latitudes laissées à l’employeur

Montant de la prime et plafond de rémunération

L’employeur peut librement fixer le montant de la prime accordée par accord ou DUE. Le montant peut donc être inférieur aux limites d’exonération précitées ou bien supérieur à ces limites.

Remarque : si le montant de la prime est supérieur aux limites d’exonération, la partie excédentaire de la prime versée aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de rémunération de 3 Smic annuels doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et soumise à l’impôt sur le revenu.

L’employeur peut aussi décider de :

– verser cette prime à tout le personnel : dans ce cas, seuls les salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de 3 Smic sont éligibles au dispositif ; la prime versée aux autres salariés est soumise à charges sociales et imposable ;
– subordonner le versement de la prime à un plafond inférieur au plafond de rémunération applicable pour l’exonération : l’adoption d’un plafond inférieur conduit, de fait, à exclure une partie des salariés du bénéfice de la prime alors même que certains d’entre eux peuvent ouvrir droit à exonération.

Modulation de la prime

Dans l’accord ou la DUE, l’employeur peut prévoir des critères de modulation de la prime. Ces critères, limitativement énumérés par le législateur, sont les suivants (LFR 2021, art. 4, II, 3°) :

– la rémunération ;
– le niveau de classification ;
– la durée de présence effective pendant l’année écoulée ;
– la durée de travail prévue au contrat de travail.

Remarque : en principe les absences pour congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant ou d’adoption, les absences pour congé parental d’éducation, pour enfant malade et pour congé de présence parentale ainsi que les absences de salariés bénéficiant de dons de jours de repos au titre d’un enfant gravement malade doivent être assimilées à des périodes de présence effective. La prime des salariés absents du fait de ces congés ne peut être réduite à raison de cette absence.

En toute logique, les critères devraient s’apprécier sur les 12 mois précédant le versement de la prime. L’administration le confirmera dans une instruction interministérielle, tout comme elle devrait nous éclairer sur la possibilité ou non d’aboutir, pour certains salariés, à une prime exceptionnelle égale à zéro.

Remarque : l’administration devrait également autoriser l’attribution de montants de primes différents selon l’établissement dont relèvent les salariés.

Attention ! Prévoir tout autre critère fait perdre le bénéfice des exonérations. Ces critères devraient pouvoir être combinés entre eux.

Mise en place du dispositif par DUE ou selon les mêmes modalités qu’un accord d’intéressement

Pour fixer le montant de la prime, le plafond de rémunération et l’éventuelle modulation du niveau de la prime par bénéficiaire, l’employeur peut (LFR 2021, art. 4, III) :

– conclure un accord (d’entreprise ou de groupe) selon des modalités identiques à celles prévues pour un accord d’intéressement : il peut donc conclure un accord collectif de travail de droit commun avec les délégués syndicaux, conclure un accord avec les représentants des syndicats, conclure un accord au sein du CSE ou présenter un projet d’accord à la ratification par le personnel (à la majorité des deux tiers) ;
– prendre une décision unilatéralement : dans ce cas, il doit en informer préalablement le CSE.

Remarque : cet accord doit être déposé sur la plateforme de téléprocédure « Téléaccords ». A l’instar de la PEPA 2020, la prime pourra-t-elle être formalisée soit dans le cadre de l’accord d’intéressement, soit dans celui d’un accord distinct ? L’administration devrait le préciser dans une instruction. Le dépôt de la décision unilatérale de l’employeur auprès de la Dreets (plateforme de téléprocédure « Téléaccords ») ne devrait pas requis.

Tout comme pour la PEPA 2020, le choix entre ces deux modalités semble libre ; il n’y a pas de priorité de l’accord sur la DUE et l’employeur peut choisir la modalité qui lui convient le mieux.